Date de publication : novembre 2012
Wēn bǔ pài (温补派) et Huǒshén Pài (火神派),
similitudes et différences.
par Frédéric Breton, Institut Liang Shen de Médecine Chinoise
Cet article a pour objet de lever la confusion - souvent exprimée dans la terminologie française - entre la pensée médicale de l’école de la calorification-tonification (wēn bǔ pài 温补派) et celle de du feu prodigieux (Huǒshén Pài 火神派 ). Ces deux systèmes de pensée sont très souvent assimilés par la majorité des praticiens et parfois même par les experts, précisément en évoquant la méthode ou l’école de «calorification-tonification» à propos de formules constituées de «piquants tièdes» ou de «piquants chauds».
La question est alors : wēn bǔ pài et huǒ shén pài sont-elles similaires ou au contraire, leurs modèles de la pensée médicale sont-il différents, voire opposés? quelles sont leur similitudes. quelles sont leur différences?
I. Les protagonistes : Zhang Jingyue et Zheng Qinan.
On admet communément que le représentant le plus typique du wēn bǔ pài est Zhang Jingyue .
A la base, Le système clinique du wēn bǔ pài prend en grande partie ses origines dans les théories de Li Dongyuan, dont on pourrait dire qu’il fût la source originelle du développement ultérieur du wēn bǔ pài.
Néanmoins, Zhang reste celui qui - parmi les cinq chefs de file historiques du wēn bǔ pài que furent Xue Ji (1488-1558), Sun Yikui (1522-1619), Zhao Xianke (1567?-1644?) et Li Zhongzi (1588-1655) - laissa le plus de traces dans le développement ultérieur de la médecine chinoise. En effet, plusieurs des ses formules sont encore aujourd’hui considérées comme des prescriptions majeures de l’arsenal thérapeutique, telles que Zuogui wan, Zuogui Yin, Yougui wan, Yougui Yin, Da Bu Yuan Juan et Guishen wan, pour ne citez que les plus fameuses parmi les près de 170 formules qu’il a conçu. Ce n’est pas l’objet de discuter ici des contributions considérables que les théories de Zhang apportèrent au développement de la médecine chinoise (notamment sur le rôle de mingmen ainsi que sur la contribution mutuelle et l’équilibre du yin yang des reins), mais on peut dire qu’il n’est pas de médecin de nos jours qui ne pratique sans référer quotidiennement, en connaissance de cause ou non, aux préceptes théoriques et cliniques de Zang Jingyue.
Zheng Qin’an , quant à lui, est considéré comme le fondateur du huǒ shén pài par la postérité, même s’il n’a jamais de son vivant prétendu à la fondation de cette école de pensée médicale. On sait qu’il fut surnommé de «Zheng huǒ shén», mais ça s’arrête là. On peut dire en réalité que le huǒ shén pài est ce que les médecins postérieur ont extrait et sublimé de la pensée clinique de Zheng Qin’an, dont le plus connu en occident est le fameux Wu Peiheng, mais il y en eût d’autres comme Lu Tao-Zhi (1876-1963), Fan Zhong Lin (1895-1989), Zhu Wei-Ju (1884-1954).
A l’opposé de Zhang Jingyue dont l’oeuvre écrite est passablement colossale, celle de Zheng Qin’an est - à l’image de ses prescriptions d’ailleurs - plus concise et plus restreinte : on y trouve le Yili Zhen Chuan, le Yi Fa Yuan Tong, et enfin le Shanghan Heng Lun.
On peut dire que, sur tant sur le fond que sur l’essence du développement de la médecine chinoise, la qualité de l’oeuvre de Zheng Qin’an n’a rien à envier à la profusion de celle de Zang Jingyue.
II. Wēnbǔ pài et Huǒshén Pài : les fondements idéologiques communs.
Tant Zhang Jingyue 张景岳 que Zheng Qin’an ont tous deux pour références fondamentales le Yijing et le Neijing et il est incontestable que leurs écrits respectifs font preuve d’une connaissance respective très approfondie des théories du yinyang.
Précisément sur le sujet du yinyang , ils accordent tous les deux une importance majeure à la prévalence du Yangqi. On peut dire que les idées de Qin’an confirment et soutiennent chronologiquement celles de Zhang Jingyue quant à la prévalence du Yangqi pour la vie.
Dans le Leijing fuyi, Zhang écrit :
« le grand trésor du ciel c'est seulement ce rouge soleil rond ; le grand trésor du ciel est seulement ce souffle de yang véritable ».
En écho à celà, Zheng Qin’an écrira par la suite :
« Le corps humain dépend uniquement du yangqi pour vivre. Si le yangqi n'est pas blessé, les cents maladies ne peuvent pas survenir. [...] L'homme peut recevoir la vie et ne pas mourir, cela dépend uniquement d'un soupçon de zhenqi du ciel antérieur. S'il y a du zhenqi pour un jour, l'homme vivra un jour, si le zhenqi fuit rapidement alors l'homme mourra immédiatement ».
Ailleurs, Zhang dit :
« L'homme est un petit univers (Qian est le trigramme représentant le ciel, kun est le trigramme représentant la terre, ensemble ils forment tout l'univers), s'il possède du yang alors c'est la vie, s'il perd le yang alors c'est la mort »;
et Zheng Qin’an dit :
« s'il y a du yang alors c'est la vie, sans yang c'est la mort ». « l'homme vit d'un souffle (un soupçon) de qi, le qi c'est le yang, alors c'est le feu, si l'homme n'a pas ce feu il ne peut vivre ».
Ainsi, en ce qui concerne l’importance du Yangqi dans la physiologie, Zheng Qin’an et Zhang Jingyue ont défendu des idées et similaires et que les deux protagonistes ont suivi la même voie ; tant Huǒshén Pài que wēn bǔ pài accordent donc une importance majeure au Yangqi.
Pour aller plus loin, Qin’an suivra complètement le point de vue totalement original et novateur de Zhang Jingyue selon lequel «Si le Qi est insuffisant alors c’est le Froid» :
« lorsque le froid entraine la maladie, le froid pervers attaque à la couche musculaire biao (肌表jibiao), ça produit un froid qui va blesser la rate et l'estomac, le froid yin va attaquer les organes entrailles, ce sont tous des froids qui viennent de l'extérieur; on le fait partir de par là où il vient, et ainsi on le traite ; c'est quelque chose que tous connaissent facilement. En ce qui concerne le froid qui vient du ben (本), il est produit sans forme et sans direction, au début il n'y a aucune sensation, on ne peut pas déterminer sa cause, les patients atteints sont les plus nombreux, les médecins qui le savent sont les moins nombreux, vraiment que signifie ceci ! Si on considère Zhu Danxi qui dit : le qi est en excès alors c'est du feu ; je continue en disant : le qi est insuffisant alors c'est du froid. De nos jours sur dix personnes combien ont un excès de qi ? Soit à cause de dispositions innée reçues, soit à cause du découragement et de l'échec on abouti à une insuffisance de yang où on voit le froid se produire de l'intérieur, et les maladies par affaiblissement de yang vont inévitablement se produire. La seconde cause de froid (interne) se forme progressivement et s'observe légèrement, et on n'en a pas la sensation; qui en connait la signification? Puis lorsque ça devient plus grave, on commence à savoir que c'est difficile à traiter. De plus la plupart des médecins médiocre ne le savent pas, à chaque fois ils prennent la fausse chaleur pour du vrai feu, et ainsi ils ont tué à maintes reprises sans forme et sans chaleur. On ne peut pas dire combien non plus. Ainsi seulement les savants perspicaces qui voient le Dao se soucient constamment de l'affaiblissement du yang à la racine ».
On lit encore dans la pensée de Zhang Jingyue un point de vue qui est de plus en plus manifeste dans la clinique actuelle, mais qui reste sans doute le moins abordé dans la réalité thérapeutique :
« il y a énormément de maladie par vrai froid et fausse chaleur, en revanche les maladies par vrai chaleur et faux froid sont beaucoup plus rares » (''Jingyue Quanshu – les huit généralités sur les nouvelles formules'')
En parallèle à cela , nous savons que l’aspect le plus original et le plus novateur de la pensée de Zheng Qin’an réside dans sa connaissance précise des syndromes yin et l’apport qu’il a donnée dans la méthode de différenciation des syndromes yin, et notamment «le yin excessif qui repousse le yang» (comprenant les deux syndromes de flottement en haut et à la surface) et le «yang déficient qui s’échappe» et produit toutes sortes de maladies (ce qu’il nomme «feu yin»)
De la même manière que Qin’an écrit que « généralement lorsque tout le monde déclare que c'est du feu, je n'ose pas affirmer que c'est du feu », Zhang Jingyue écrit : « les maladies par vrai froid et fausse chaleur sont extrêmement nombreuses, en revanche les maladies par vrai chaleur et faux froid sont assez rares ».
On peut dire que ces deux hommes ont exprimé la même chose et qu’ils furent d’un apport considérable dans la capacité à «distinguer le faux et conserver le vrai» ; cependant - comme nous le verrons plus loin - leurs voies furent sensiblement différentes sur nombre d’autres points.
III. L’importance que Zhang Jingyue accorde au Zhenyin, l’exclusivité originelle que Zheng accorde au Yuanyang.
Outre le Yang, Zhang accorde une importance égale au yin véritable :
«Celui qui à l'intention de traiter les maladies doit utiliser principalement la forme corporelle, qui souhaite traiter la forme doit d'abord utiliser le jing et le sang, ceci est la voie d'accès pour le médecin authentique » (''Jingyue Quanshu – traité du traitement de la forme'').
Dans les maladie d’affaiblissement [xu lao], il souligne qu'il faut principalement tonifier le jing, le sang et le zhen yin pour traiter la forme corporelle. C’est pourquoi il met en exergue l’utilisation de Shu Dihuang dans la majorité de ses principales prescriptions et recommande sont utilisation au point d’être surnommé «Zhang Shudi».
« le ben de la forme corporelle est au jing-sang, shudi a une nature très calme, et une saveur très douce et très épaisse, en effet c'est le produit le plus épais parmi les produits dont la caractéristique est de forme jing sang ».
Pour Qin’an, c’est très différent, car du point du vue du Yang il monte encore d’un cran. Dans la pensée de Qin’an le Zhen Yang c’est le Yuan Yang, le Yang originel, source unique du ciel antérieur et origine de toutes les transformations. Autrement dit :
« pour parler de façon générale, le yuanyang est la racine, tous les deux yin et yang sont la manifestation biao. Si on est capable de savoir que le yin et le yang sont des transformation du yang originel 元阳, le yang originel change et c'est tout le yin yang ».
A partir de ce postulat, la clinique de Zheng Qin’an va être radicalement opposée à celle de Zhang Jingyue concernant les xulao :
« Pour les patients atteints de xulao [déficience affaiblissement], généralement la raison [de la maladie] réside dans le déficit du yang véritable du Kan (trigramme de l'eau) du ciel antérieur […] Il y a seulement la méthode des doux tièdes pour consolider l'origine, en vérité c'est un élixir pour traiter les déficiences affaiblissements. Les ignorants utilisent souvent la double tonification du Qi et du Sang, ils disent aussi qu'il faut de forte doses pour nourrir le yin; […] ce n'est pas un cas isolé, ce sont tous les patients qui ont été tués, en un clin d'œil » (''Yifayuantong, deuxième rouleau'').
« Il faut savoir que beaucoup des patients en déficience appartiennent à la déficience de [yang] qi, la forme que prend le syndrome est souvent ressemblante au vide de yin, mais en fait ce n'est pas un vide de yin. J'ai fait l'expérience en voyant les patients atteint de déficience, à chaque fois il y a manque de souffle, paresse des paroles, corps lourd, aime dormir, fièvre cyclique et pas de soif, perte d'appétit, calme dans les activités, manque de Shen, c'est clairement un vide de Yang, et on ne voit aucun signe de feu prospère du au vide de Yin » (''Yifayuantong, troisième rouleau'').
Plus tard de nombreux médecins expérimenteront ce point de vue et confirmeront son authenticité et son efficacité dans la pratique.
IV. Des méthodes de traitements différentes : Wēn bǔ pài, c’est le doux-tiède. Huǒshén Pài, c’est le piquant-chaud.
Concrètement les deux écoles ont des approches différentes en ce qui concerne le Yin. Wēn bǔ pài associe dans une même formule des produits qui nourrissent le Yin et des produits qui réchauffent le Yang dans l’optique de sauver le Yang à l’intérieur du Yin.
La vision du Huǒshén Pài est plus radicale et prend comme point central de rétablir le yang véritable, éliminer le yin pathogène pour ensuite retenir et conserver bien fermement le Yang en nourrissant le Yin. On est donc, avec le Huǒshén Pài, clairement dans l’utilisation des «piquants tièdes» et des «piquants chaud». A ce sujet Qin’an écrit :
« quand on prescrit des produits chauds, il faut toujours prescrire jusqu'à ce que tout le corps et l'abdomen soient chauds et difficile à apaiser, après on peut donner une dose de produits pour nourrir le yin, ainsi le pervers yin de tout le corps a été transformé et éliminé, le yang véritable s'est déjà rétabli, et on peut alors utiliser des produits pour nourrir le yin, pour retenir le yang rétabli, le yang a besoin de la rétention du yin, et le yang a quelque chose sur quoi s'appuyer, [alors il y a] contribution et racine mutuelle, ainsi le corps est fortifié et léger ».
En conséquence, on peut voir que la méthode d'utilisation des produits n'est pas identique dans les deux écoles.
Si l’on regarde de plus près, Les quatre principaux produits que Zhang Jingyue utilisait sont Shudi, Renshen, Fuzi et Dahuang avec cette particularité de mettre de fortes doses pour Shudi et Renshen et des doses moindres pour les produits violents comme Fuzi et Dahuang, ce qui démontre une tendance à préférer le «doux-tiède».
Zheng Qin’an utilise plutôt des produits piquants et chauds à fortes doses comme Fuzi et ganjiang et se réfère très souvent à Sini tang .
On peut dire que l’école de la Calorification-Tonification telle qu’elle fut développée par Zhang Jingyue porte une attention certaine à la contribution mutuelle du yin yang.
« pour bien tonifier le yang il faut sauver le yang à l'intérieur du yin, ainsi le yang obtient l'aide du yin et la production transformation est infini ».
De plus Jingyue pense que : « fuzi est de nature violente, il est difficile de l'utiliser tout seul, il faut l'associer avec des produits très doux comme renshen, shudi, zhigancao, car ils peuvent contrôler sa dureté et soulager sa bravoure, la tonification est redoublée, ça n'a que des avantages ».
Ainsi lorsque Jingyue utilise la «calorification-tonification» c'est en aidant les produits yang avec des produits qui tonifient le yin. A chaque fois qu'il utilise Fuzi, il le combine systématiquement avec Shudi comme on peut le voir dans ses formules pour tonifier le Yang que sont Yougui wan et YouGui Yin (in Jingyue Quan Shu)
En somme, la «calorification-tonification» de Jingyue est une tonification simultanée du yin et du yang; doux et tièdes sont utilisés ensembles.
La prescription et les produits de référence de Zhang Jingyue sont Jinguishenqi wan, Shudi et Fuzi ; alors que la prescription et les produits de référence de Zheng Qin’an sont Sini, Fuzi et Ganjiang. Ainsi Zheng utilise purement des «piquants-chauds» en référence à Qian et dans une compréhension particulièrement approfondie de la relation entre le Métal de Qian et l’Eau de Kan. («Qian est un métal pur» ; le piquant est associé au Métal et peut produire le trait central de Kan)
Zheng va droit au but dans ce qu’il nomme «l’utilisation des produits selon le véritable point crucial 用药真机».
Cette pratique est finalement très opposée à celle de Zhang Jingyue qui, en utilisant le doux et le tiède, propose une tonification simultanée du yin et du yang
V. Des points de vue radicalement opposés
La différence entre les deux écoles de pensée est telle que Zheng va finir par émettre de sévères critiques à l’égard de la méthode de wēn bǔ pài, puis nommément à l’encontre de Zhang Jingyue.
« Parmi les patients en vide de yang, nombreux sont ceux qui appartiennent à l'affaiblissement du qi avec excès de sang, peu importe quelle est la maladie, très souvent la cause est le pervers yin qui apporte le désastre, il ne faut surtout pas nourrir encore le yin. Si on nourrit encore le yin alors plus yin est plein et plus le yang va disparaître, et causer des signes de zhenyang qui excède à l'extérieur, on ne peut pas ne pas le savoir » (''Yifayuantong – toutes les maladies pour lesquelles il y a interdiction de nourrir le yin'').
« Zhang Zhongjing est l'ancêtre qui a fondé les méthodes thérapeutiques, en cas de syndrome de yin pur sans yang, il va seulement utiliser ganjiang, fuzi, gancao, et peut avec cela faire revenir à la vie, il ne mélange aucunement avec des produits pour nourrir le yin, il est peu probable que Zhongjing ne connaisse pas la méthode de sauver le yang à l'intérieur du yin ? Quand Zhongjing sauve le yang c'est avec l'interprétation du palais central Kan de l'homme ; quand Jingyue sauve le yang, c'est avec les annotations des produits qui nourrissent le yin. Ils sont séparés par une grandes différence, personne ne l'a percé à jour, l'abus a duré des années, je ne supporterais pas d'être assis et de regarder, c'est pour ça que je vais spécialement faire connaître ma parole » (''Yifayuantong, deuxième rouleau'').
Et à propos de l’usage de Sini tang :
«Les gens d'aujourd'hui aussi connaissent cette formule, [mais] ils n'ont pas vraiment confiance, leur connaissances ne sont pas fixes, et ils utilisent Sini tang en y rajoutant renshen, danggui, shudi, c'est une entrave à la force de fuzi pour faire revenir le yang, et il n'y a pas de résultats. Le patient est tué, le médecin n'est d'aucune aide, et il pense qu'il n'a pas fait d'erreur dans l'utilisation des produits, il ne sait pas qu'il a utilisé les produits de manière tout à fait inadaptée » (''Yilizhenzhuan, quatrième rouleau'')
A l’opposé de Zhang Jingyue, Zheng Qin’an réfute l’association de produits doux comme Shudi avec Fuzi. D’autres grands noms du Huǒshén Pài soutiendront et développeront ce points de vue dans la clinique.
En allant plus loin, Zheng Qin’an oppose une critique fondée et totalement novatrice sur le fait que Jinggui Shenqi wan et Dabuyuan jian ont été considérées comme des formules pour faire revenir le yang :
« les deux formules ont Shudi comme empereur qui tonifie le Yin, Zaopi (Shanzhuyu) qui nourrit le Yin, Mudanpi qui draine le feu, Rougui et Fuzi sont seulement utilisés à deux ou trois dixième de la formule. Nous pourrions demander s'il y a une situation de Mingmen sans feu, s'il convient d'utiliser spécialement Rougui et Fuzi pour tonifier le feu, pourquoi faut-il utiliser Shudi, Shanzhuyu pour nourrir le yin et Mudanpi pour drainer le feu ? Ce Zhang Jingyue n'a pas lu Zhang Zhongjing et n'a pas compris la théorie du yin yang » (''Yifayuantong, deuxième rouleau'').
A ce sujet, Zhang Cunti écrit : «On peut dire que cette discussion sort du commun, personne auparavant ne l'avait exprimé, mais en effet ce discours est fondé, il est conforme au bon sens. Seulement Zheng Qin’an a fait dans ce passage une erreur technique car la formule Dabuyuan jian de Jingyue ne contient pas Rougui et Fuzi, on peut considérer ça comme une imperfection.»
La remarque de Zhang Cunti à propos de la méconnaissance de Da Bu Yuan Jian par Qin’an ne nous apparait pas fondée. En effet, Il est difficile de supposer qu’un médecin comme Qin’an puisse ne pas connaître que Da Yuan Juan ne contient pas Fuzi ni Rougui. Le sens de la critique de ZhengQin'an va plutôt dans la démonstration de l’inadéquation de la dénomination de la formule - «Décoction de la grande Tonification du Yuanqi», qui est une forme Yang - avec les produits qui la composent et qui sont majoritairement doux et nourrissent la forme, qui est de nature yin.
Il reste à préciser la réalité chronologique. Zheng Qin’an avait une grande connaissance du Shanghan Lun et il est évident que le Shanghan pai a eu une influence majeure sur sa pensée clinique et sur la naissance du Huǒshén Pài en tant qu’école de pensée médicale. Cependant, de nombreux extrait des ouvrages de Qin’an montrent aussi qu’il avait une très bonne connaissance des écrits de Li Dongyuan, puis de Xueji et enfin de Zhang Jingyue. De ce fait, on ne peut ignorer que ces médecins ont certainement influencé d’une manière ou d’une autre la pensée médicale de Qin’an, la naissance du Huǒshén Pài, puis sa fondation comme école de pensée particulière de la méthode fuyang guben (附阳固本 - renforcer le yang et consolider la racine).
Le classique dit «sous la montagne il y a le feu» (Yijing, gua 22 ”山下有火“), c’est pourquoi on peut associer le piquant-chaud de Fuzi et le doux-tiède de Shanzhuyu, comme dans Shenqi wan et ainsi augmenter le Feu sous la terre.(Gen-艮 est représenté par la montagne et associé à la Rate-Terre) .
Le Yilizhenchuan dit «le Yang véritable siège caché dans la profondeur de la mer», c’est pourquoi on peut associer le piquant-chaud de fuzi avec le salé de haigeke ou de guiban, comme dans Bukanyili Dan ou dans Qianyang Dan, et renforcer la racine du yang véritable au sein de l’eau.
Ainsi, le Yang et le feu ne sont pas la même chose. Et de la même manière, Renforcer le Yang véritable des reins et Augmenter le Feu sont aussi deux méthodes différentes qui ne correspondent pas aux mêmes situations cliniques.
Frédéric Breton, novembre 2012.